Pollution et immunité

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La pollution influence-t-elle l’immunité face à la COVID-19?

Toutes les maladies infectieuses sont des maladies d’écosystèmes. Il y a en permanence des interactions extrêmement subtiles entre chaque organisme et l’environnement dans lequel il évolue. Dans un bateau entièrement clos, la mortalité est de 1,7 %, et au début de l’épidémie à Wuhan elle est de 5 %, mais dans le reste de la Chine, elle est à 1,2 %. Il y a de bonnes raisons de penser qu’elle se situe en moyenne à 0,4 %[1] (Pr Raoult, dans un entretien au Figaro).

L’environnement est un acteur à part entière de l’épidémie du coronavirus SARS-CoV-2. La densité de population, la qualité de l’air, de l’eau, celle des aliments, influencent la vulnérabilité des populations et la transmission du virus. Ainsi, la pollution aérienne altère la fonction barrière des muqueuses des voies respiratoires et du poumon, les rend perméables aux virus. Les particules fines sont aussi des véhicules pour les virus jusqu’aux poumons. Une étude chinoise en 2003 a montré un lien élevé entre la variation du niveau de mortalité par le SARS-CoV et le niveau de pollution de différentes régions de Chine[2]. Le risque de mortalité était élevé d’un facteur 1,83, presque doublé, pour les personnes vivant dans une région polluée, par rapport à celles vivant dans une région peu polluée.

Atmo France, qui regroupe l’ensemble des organismes de surveillance de la qualité de l’air en France, affirme qu’« une exposition chronique à la pollution de l’air est un facteur aggravant des impacts sanitaires lors de la contagion par le Covid-19 »[3].

L’épandage agricole est en France une source importante de particules fines, formées de nitrate d’ammonium et de sulfate d’ammonium issues du contact dans l’atmosphère entre le gaz ammoniac libéré par les épandages, et les oxydes d’azote issus du trafic routier et de l’activité industrielle. Ces particules voyagent sur plusieurs kilomètres et sont responsables des pics de pollution constatés à Paris, Strasbourg et Mulhouse fin mars, selon Atmo grand Est, l’organisme chargé de la surveillance de la pollution de l’air dans la région. De ce fait, le collectif Air Santé Climat adjure l’Etat de prendre en compte « la nécessité de limiter drastiquement les épandages agricoles, afin de tout mettre en œuvre pour limiter la propagation du virus ». Même confinées, les personnes qui respirent un air pollué par ces particules sont plus susceptibles de contracter l’infection virale et de développer une forme sévère de la COVID-19 si elles sont finalement exposées au virus, par affaiblissement de leur immunité.

Les changements environnementaux actuels favorisent l’émergence de nouveaux agents infectieux, selon des biologistes des écostystèmes. L’explosion des flux de déplacements humains, l’augmentation de la démographie humaine planétaire, les modifications d’usage des sols, et notamment la déforestation massive qui chasse les animaux de leurs habitats, le réchauffement climatique sont autant de facteurs de risque dont l’effet conjugué démultiplie le risque d’émergences infectieuses[4].

On peut craindre que le réchauffement climatique va impacter l’immunité des personnes exposées aux agents infectieux. Une étude conduite en 2019 sur des souris exposées à une température de plus de 30° degrés, a montré que la réponse de leur système immunitaire à une exposition virale était affaiblie, en comparaison avec celle de souris vivant à une température de 20°. Les chercheurs n’ont pas pu déterminer à ce stade, si cette altération était la conséquence directe de la température élevée, ou indirecte, via une diminution de la consommation alimentaire des souris en milieu chaud. Ils ont néanmoins observé une normalisation rapide de la réponse immunitaire concommitante avec une amélioration de leur statut nutritionnel. Ces résultats conduisent à s’interroger sur l’influence du réchauffement climatique sur l’immunité humaine, et confirment l’importance du statut nutritionnel dans la réponse immunitaire[5]. Nous développerons plus loin cet aspect important de la protection immunitaire.

A titre individuel, chacun voit ses choix réduits, concernant le lieu de vie et de travail, par les déterminations impérieuses de la vie professionnelle, du coût immobilier, des modalités de transport. Notre mode de vie est fortement conditionné par des choix politiques concernant l’aménagement du territoire aussi bien que la réglementation sur la circulation des véhicules. Pour ceux qui le peuvent, habiter dans un lieu peu pollué par l’industrie, le trafic routier, les émissions agricoles, apporte un avantage considérable pour l’espérance de vie à long terme[6], la vulnérabilité aux agents infectieux, aux allergies, et l’espérance de vie en bonne santé.

Dr Claire Condemine-Piron Présentation de l’auteur


[1] https://brunobertez.com/2020/04/03/a-lire-et-mediter-raoult-au-figaro-magazine-un-entretien-que-tout-citoyen-doit-lire/?fbclid=IwAR2czvVg4g6HLEiHeIB0QWQj-LeUT-Bevlw0A8gh47rKWZMnhyYNlDLNg3k

[2] Cui, Y., Zhang, Z., Froines, J. et al. Air pollution and case fatality of SARS in the People’s Republic of China: an ecologic study. Environ Health 2, 15 (2003). https://doi.org/10.1186/1476-069X-2-15

[3] https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/03/30/coronavirus-la-pollution-de-l-air-est-un-facteur-aggravant-alertent-medecins-et-chercheurs_6034879_3244.html?fbclid=IwAR0roZo0WAqLqCG_mnY23Lmi5q5g4cvrhjTq51nmYymzDr01ay4BqToXzWE

[4]https://reporterre.net/Le-changement-climatique-va-stimuler-les-pandemies-et-autres-menaces-sur-la-sante?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=nl_hebdo

[5] Miyu Moriyama, Takeshi Ichinohe Proceedings of the National Academy of Sciences Feb 2019, 116 (8) 3118-3125; DOI: 10.1073/pnas.1815029116

[6] https://www.planetoscope.com/mortalite/1913-deces-dus-a-la-pollution-dans-le-monde.html