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Les perturbateurs endocriniens dans notre environnement.
A quoi correspondent les perturbateurs endocriniens présents dans notre environnement?
Continuons notre investigation en présentant ici les familles chimiques auxquelles appartiennent les perturbateurs endocriniens, leurs usages, et comment nous y sommes exposés dans l’environnement.
Qu’est-ce qu’un perturbateur endocrinien?
En juillet 1991, la spécialiste en santé environnementale Theo Colborn a réuni une vingtaine de scientifiques pour échanger sur l’observation de troubles observés sur les animaux et l’exposition à des substances chimiques. Ils produisent la déclaration de Wingspread (10), première communication scientifique d’ampleur internationale visant à informer et alerter l’opinion publique ainsi que les pouvoirs publics.
Les perturbateurs – ou disrupteurs- endocriniens, sont définis alors comme des substances exogènes dotées de propriétés mimétiques, qui leurrent les récepteurs hormonaux en se faisant reconnaître comme hormones, pour déclencher ensuite des processus anormaux dans l’organisme.
Selon l’OMS, qui en a donné une définition en 2002 un perturbateur endocrinien est “une substance exogène ou un mélange qui altère la/les fonction(s) du système endocrinien – ensemble des organes qui sécrètent des hormones- et, par voie de conséquence, cause un effet délétère sur la santé d’un individu, sa descendance ou des sous-populations“.
Les perturbateurs endocriniens sont des substances le plus souvent chimiques, rarement naturelles.
Les atteintes de la santé par les perturbateurs endocriniens sont-elles identiques pour tous?
En fonction de l’âge et du sexe de la personne, les effets d’une exposition aux perturbateurs endocriniens sont très différents: les foetus risquent des malformations congénitales, des cancers qui apparaitront à l’âge adulte, les femmes enceintes risquent d’endommager gravement la santé de leur bébé, les femmes adultes risquent une majoration du risque des cancers du sein et de l’ovaire, les hommes adolescents et adultes risquent une diminution de leur taux de testostérone, une baisse de leur fertilité par altération de leur production de spermatozoïdes, une majoration du risque de cancers de la prostate et du testicule; enfin l’exposition d’un individu peut altérer sa descendance sur plusieurs générations (10). Les perturbateurs endocriniens sont également responsables d’une altération du développement des fonctions cognitives chez l’enfant, avec l’apparition de retards mentaux, de syndromes d’hyperactivité et de déficit attentionnel, de troubles du spectre autistique, en relation avec une perturbation de la fonction thyroïdienne (72).
D’où viennent ces produits chimiques qui agissent comme perturbateurs endocriniens?
Les hormones, naturelles ou de synthèse, utilisées dans la contraception, la thérapeutique hormonale, le dopage, et les manipulations hormonales sur les animaux (désaisonnement, synchronisation des chaleurs, prise de masse), éliminées dans l’urine, circulent dans les sols et les eaux usées, contaminent les eaux de boisson des consommateurs d’eau du robinet et d’eau minérale (11).
Certains médicaments sont des perturbateurs endocriniens: le ketoconazole, un antifongique autorisé pendant la grossesse, la théophylline, substance présente dans les feuilles de thé, l’acide valproïque, un antiépileptique. (7) Les antalgiques et anti-inflammatoires (8), comme l’aspirine, le paracétamol, l’indométacine, l’ibuprofène (11), sont impliqués dans les malformations de type cryptorchidie et dans une diminution de la production de testostérone chez l’adulte, ce sont des perturbateurs endocriniens.
Certains aliments, comme le soja, le houblon de la bière, qui sont des phyto-oestrogènes, certains composés naturels comme le cinnamal, un ingrédient présent dans la cannelle, et dans des extraits de plantes comme l’huile essentielle de jacinthe, de coriandre, de patchouli et de camomille sont des perturbateurs endocriniens (12).
Par ailleurs, un millier de produits chimiques qui rentrent dans la composition d’objets et de produits, issus de combustion, ou utilisés dans les plastiques, les cosmétiques, les produits phytosanitaires, les solvants, sont des perturbateurs endocriniens. On retrouve ces substances dans les insecticides, les emballages alimentaires, les produits d’hygiène et d’entretien, le mobilier, les ustensiles de cuisine, les jouets, les peintures et vernis à ongles, la fumée de cigarettes (hydrocarbures polycycliques aromatiques), etc (13).
Les perturbateurs endocriniens s’immiscent dans les organismes par contamination des aliments (nourriture et boissons) via les emballages ou par les fumées de combustion, mais entrent aussi dans la composition de nombreux produits manufacturés en tant qu’additifs; ils proviennent également de l’urine des animaux et des personnes traitées par des hormones: sous forme de rejets, ils persistent longtemps dans l’environnement et contaminent sol, air, eau (11). Recyclés dans les eaux de boisson et les aliments, ils sont ingérés sous formes de traces.
Les produits chimiques concernés remplissent des fonctions multiples: filtres anti UV, conservateurs, émulsifiants, rigidifiants, retardateurs de flamme, isolants (PCB), nappes en plastique et rideaux de douche (plastifiants), bisphenol A (sur les canettes), additifs alimentaires…
Le plan d’action sur la fertilité mis en place en France en 2009 par la Direction Générale de la Santé cible l’étude des perturbateurs endocriniens le plus susceptibles d’être en contact avec les personnes dans leur vie quotidienne: “les produits grand public (produits ménagers, produits de bricolage, biocides, articles susceptibles d’émettre des substances), les pesticides phytopharmaceutiques pour jardin amateur et les produits cosmétiques. Les médicaments ne font pas partie du programme de travail car ils sont évalués dans le cadre d’une réglementation particulière imposant une démarche d’évaluation des risques spécifique, basée sur l’évaluation de la balance bénéfice/risque incluant des études cliniques” (65).
Quelles sont les différentes familles chimiques de perturbateurs endocriniens d’origine synthétique?
De nombreuses catégories de substances sont des perturbateurs endocriniens:
– On les trouve dans des produits industriels ou domestiques comme :
- les phtalates, ou le bisphénol A utilisés dans les plastiques
- les parabènes, conservateurs utilisés dans les cosmétiques
- les organochlorés (DDT, chlordécone…) utilisés dans les phytosanitaires
- l’étain et ses dérivés utilisés dans les solvants
- Les alkyphenols présents dans les peintures, les pneus, les adhésifs, les détergents, les pesticides, les tuyaux en PVC, les produits de coloration et produits coiffants pour cheveux, les crèmes à raser, les lotions après-rasage, les lingettes jetables et autres cosmétiques. Ils imitent les oestrogènes et provoquent des malformations de l’appareil uro génital, une diminution du nombre de spermatozoïdes et une hypofertilité (18). Dans les cosmétiques, ils se présentent sous les noms de Nonylphenol ou Nonoxynol.
- l’antimoine
- les PCB (polychlorobiphényles)
- Les dioxines et furanes principalement formés au cours de processus thermiques industriels tels que l’incinération des déchets, les procédés métallurgiques et sidérurgiques (69).
- les métaux lourds
- les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) contenus dans la fumée de cigarettes et les aliments cuits au charbon de bois; Les HAP sont issus de la combustion incomplète de matières organiques, leurs sources sont donc multiples : combustion automobile (essence, diesel), domestique (fuel, charbon, barbecue, cigarettes, bâtons d’encens), industrielle (fabrication d’aluminium, déchetteries)… Ils se concentrent en milieu urbain, particulièrement en hiver (bois de chauffage), se déposent dans les sols et contaminent les eaux.
- Les pesticides largement utilisés en France, premier pays de l’Union européenne quant à la surface agricole utile, ce qui en fait l’un des plus importants utilisateurs au monde. (69)
Quels sont les produits chimiques perturbateurs endocriniens les plus surveillés à ce jour?
L’INSERM a réalisé une étude en 2011 à la demande des pouvoirs publics (65) afin d’établir une liste des substances reprotoxiques ( c’est à dire toxiques pour l’appareil reproducteur) de catégorie 2 sur la base de la classification harmonisée européenne, et des perturbateurs endocriniens sur la base de l’ensemble des listes existantes et qui sont susceptibles d’être présentes dans des produits grand public, afin d’améliorer les connaissances scientifiques de ces substances d’intérêt et décrire leurs différents mécanismes d’action, déterminer les facteurs de risque chez l’enfant et chez l’adulte en identifiant les périodes les plus sensibles, d’analyser les tests in vivo et in vitro mis en œuvre pour détecter ces effets.
A l’issue de cette étude, l’INSERM a établi une liste de 120 substances regroupées en 6 familles chimiques, justifiant d’une évaluation approfondie: Bisphénols, phtalates, retardateurs de flamme polybromés, perfluorés, parabènes, pyréthrines et pyréthrynoïdes (66); ces familles sont présentées ci-dessous de manière plus détaillée:
BISPHENOLS:
Le BPA est utilisé depuis cinquante ans pour la fabrication de certains plastiques et de résines. Il entre dans la composition de nombreux objets courants : emballages alimentaires, boîtes de conserve, revêtements en plastiques, tickets de caisse, etc (69).
Du fait de cette omniprésence dans notre environnement quotidien, “le bisphénol A (BPA) se retrouve dans le sang et l’urine de la quasi-totalité des populations occidentales. Bien que rapidement éliminé, le BPA est présent à niveau constant dans l’organisme du fait de l’exposition continue. La principale voie d’exposition évoquée est l’alimentation mais peut-être d’autres voies ne sont-elles pas à négliger (65).
Les bisphénols sont utilisés sous formes de polycarbonates et de résines époxy:
– Les polycarbonates entrent dans la composition d’un très grand nombre d’objets courants: CD, lunettes, bouteilles plastiques, biberons
– Les résines époxy sont principalement utilisées pour réaliser le revêtement intérieur des boîtes de conserves ou dans les amalgames dentaires.
– Le BPA intervient également comme inhibiteur de polymérisation pour le PVC,
– comme antioxydant dans les plastifiants
– ou encore comme agent actif dans les papiers thermosensibles.
La voie d’exposition orale est dominante:
– Selon les agences d’évaluation du risque (EFSA, 2004 et 2006 ; NTPCERHR, 2008), la principale voie d’exposition de la population générale est la voie alimentaire. Dans la mesure où le BPA est un constituant des polymères plastiques utilisés pour emballer ou contenir les aliments, cette exposition relève d’une part de résidus de BPA présents dans ces matériaux et susceptibles de migrer dans l’aliment, et d’autre part du BPA qui peut être libéré par l’hydrolyse du polymère, en particulier au cours du chauffage, comme cela peut se produire pour les biberons en polycarbonate par exemple (65). Cette migration est d’autant plus importante que le polycarbonate a été utilisé à de nombreuses reprises (Brede et coll., 2003) ou qu’il est au contact de solutions alcalines (Biedermann-Brem et Grob, 2009).
– Chez les adultes, la consommation de boissons contenues dans des bouteilles en polycarbonates (Carwile et coll., 2009), d’aliments en conserve (Mariscal-Arcas et coll., 2009 ; Lim et coll., 2009b) ou de denrées chauffées au micro-onde dans leur emballage plastique (Lim et coll., 2009a) se traduit par des valeurs d’exposition moyennes voisines de 0,033 µg/kg de pc/j alors qu’elles sont environ 25 fois plus élevées pour le nourrisson nourri au biberon en polycarbonate (vonGoetzetcoll.,2010)soit0,800 µg/kg/j) (cité in (65)).
Comment reconnaître un ustensile en polycarbonate (68)
A ce jour, le marquage des plastiques alimentaires n’est pas obligatoire même s’il est couramment pratiqué par les fabricants. Le pictogramme dans lequel sont inscrits les chiffres 1 à 6 permet de savoir que le matériau n’est pas du polycarbonate. Lorsque celui-ci présente le chiffre 7 qui correspond aux « autres plastiques », le matériau peut être composé d’une large gamme de matières plastiques, sauf s’il porte en dessous le sigle PC qui indique qu’il s’agit de polycarbonate. Sans marquage spécifique, le polycarbonate est un matériau difficilement reconnaissable d’autres matières plastiques rigides sans risque d’erreurs. Ce composé peut être présent dans une gamme variée d’ustensiles de cuisine: blender (mixer), boites hermétiques micro-ondes, cuves d’auto-cuiseur, douilles de pâtisserie, pichets, bacs de réfrigérateur,… (68)
Comment reconnaître les boites de conserves susceptibles de contenir du bisphénol A (68)
En ce qui concerne les boites de conserves métalliques, il est aujourd’hui très difficile de reconnaître avec certitude celles susceptibles de contenir du bisphénol A. Les pratiques industrielles, notamment en France, ont évolué et les bisphénols F et S remplacent le bisphénol A désormais interdit dans les produits alimentaires. On peut toutefois indiquer que :
– Les conserves en verre ne contiennent généralement pas de bisphénol A (à l’exception possible du vernis présent sur le bouchon).
– Les boites de conserves métalliques (canettes, boites rectangulaires, boites cylindriques…) peuvent être classées en 2 catégories :
o Produits a priori sans bisphénol A : Boites composées de « 2 pièces » uniquement, un corps, obtenu par emboutissage d’une feuille métallique, et un couvercle serti après remplissage, c’est le cas, notamment, des canettes ;
o Pour les autres: Boites composées de « 3 pièces », un corps et 2 éléments sertis (fond et couvercle), c’est essentiellement le cas des boites de conserve cylindriques. Dans ces boites, la présence de bisphénol A est possible et d’autant plus probable que l’aliment concerné est acide (68).
Sources alimentaires potentielles d’exposition au bisphénol A (68) :
o La consommation de produits conditionnés en boites de conserves susceptibles de contenir du bisphénol A, F ou S (et également le réchauffage d’aliments directement dans de telles boites de conserves),
o L’usage alimentaire d’ustensiles ou de contenants ne portant pas un marquage permettant d’exclure la présence de polycarbonate (1 à 6) et plus particulièrement :
o Le stockage prolongé de denrées alimentaires dans de tels contenants
o L’utilisation de contenants abimés (rayés, usés…)
o Le réchauffage des produits au four à micro-ondes dans des contenants réutilisables susceptibles de contenir du bisphénol A ou la cuisson dans des appareils où les aliments sont en contact avec du polycarbonate (cuit-vapeur,…). (68)
Les autres expositions, par contact et inhalation:
– Les autres modalités d’exposition telles que celles provenant de la manipulation de papiers thermosensibles ont été considérées jusqu’à présent comme négligeables pour le consommateur (EFSA, 2004 ; NTP-CERHR, 2008). Toutefois, les études publiées en 2010 montrent que l’exposition des personnes en contact répété avec du papier d’imprimante thermique, comme les caissières de supermarchés, pouvait dépasser 70 µg par jour (Biedermann et coll.,2010) (cité in (65)).
– Par ailleurs, les calculs d’estimation de l’absorption cutanée du BPA font mention d’une valeur de 10 % de la dose appliquée (European commission, 2003), ce que semblent confirmer les travaux de Kaddar et coll.(2008) à partir d’unmodèle de peau de porc. Cependant, des données récentes obtenues sur des explants de peau humaine tendent à montrer que ce taux est largement sous-estimé (Zalko et coll., 2011) et qu’il peut varier d’un facteur 10 selon les individus (Marquet et coll., 2011).
– En ce qui concerne la contamination de l’air ambiant, les travaux publiés au cours des trois dernières années indiquent que les poussières domestiques peuvent contenir plus de 1 500 µg/kg de BPA (Völkel et coll., 2008 ; Geens et coll., 2009) et que cette valeur peut être 5 fois plus élevée pour des poussières collectées dans des bureaux (Geens et coll., 2009) (cité in (65)).
– Plusieurs auteurs ont étudié l’exposition faisant suite à l’application de scellements dentaires à base d’amalgames composés de BPA” (66). Les taux relevés dans la salive et l’urine varient considérablement en fonction de la composition de l’amalgame.
Le BPA est interdit depuis 2015 en France dans tous les contenants alimentaires, les biberons pour enfants, mais il est remplacé par d’autres bisphenols de F à S, suspects d’être aussi voire plus toxiques que le BPA (73).
PHTALATES
Les phtalates sont utilisés depuis une cinquantaine d’années notamment comme plastifiants destinés à assouplir les matériaux à base de PVC. Ils peuvent entrer dans la composition de nombreux produits de consommation courante, tels que les emballages alimentaires, les produits cosmétiques (parfums, déodorants, shampoings, vernis à ongle, etc.), les produits d’entretien ménagers, les peintures, les jouets, etc (69).
Des “interdictions et restrictions d’usage font suite à des travaux conduits chez le rongeur montrant des effets reprotoxiques du DEHP, du DBP et du BBP (classement en CMR2)” (66). Depuis 2004, plusieurs directives européennes ont interdit certains phtalates dans les peintures et colles, les produits cosmétiques, les matériaux de contact alimentaires, les jouets pour enfants de moins de trois ans – attention à ne pas laisser les enfants de moins de trois ans jouer avec des jouets prévus pour enfants de plus de trois ans, qui sont eux susceptibles de contenir ces phtalates!
Dans les produits cosmétiques, le diethyl phtalate est le seul phtalate désormais autorisé par la réglementation européenne. Toutefois, il n’apparait pas sur l’étiquette lorsqu’il est utilisé comme “fragrance” dans un produit, car la liste des ingrédients cosmétiques (INCI) ne détaille pas la nature des substances utilisées pour parfumer une crème ou un parfum (15). Tout produit parfumé est donc suspect, jusqu’à preuve du contraire d’être un perturbateur endocrinien.
Globalement, “l’exposition humaine aux phtalates est importante et croît régulièrement en raison de la très large utilisation qui est faite de cette famille de composés et du fait de l’augmentation des niveaux de production au cours des trente dernières années. On retrouve des phtalates dans plusieurs produits de consommation courante tels les adhésifs, les revêtements de sol en vinyle, les huiles lubrifiantes, les condensateurs électriques, les détergents, les solvants, les produits pharmaceutiques, les fils et les câbles électriques et les produits cosmétiques (parfums, déodorants, lotions après rasage, shampooings, aérosols pour cheveux, vernis à ongles…)… Ils peuvent facilement migrer dans les matériaux d’emballages et être relargués dans le milieu environnant, en particulier lorsque les plastiques qui en contiennent sont soumis à des températures élevées. L’exposition environnementale aux phtalates peut provenir du contact direct avec l’air, l’eau ou encore la nourriture et résulte à la fois de l’inhalation, de l’ingestion ou encore de l’absorption percutanée de ces produits” (66).
“L’ingestion d’aliments ayant été en contact avec des emballages contenant des phtalates demeure la principale source d’exposition pour la population générale” (66).
Les phtalates migrent depuis les emballages PET 1 et PVC 3 vers les contenus alimentaires, surtout lors du passage au four micro ondes; il est donc impératif de ne pas réchauffer un aliment dans un contenant plastique, ni couvert d’une pellicule en plastique. Ils sont reconnaissables et évitables grâce à ces pictogrammes:
Les dispositifs médicaux (poches de sang, tubulures...) représentent pour certains sous-groupes de la population une source non négligeable d’exposition aux phtalates, en particulier au DEHP. L’exposition via les dispositifs médicaux touche principalement les hémodialysés, les donneurs et receveurs de plaquettes et les enfants prématurés (Calafat et coll., 2004 ; Koch et coll., 2005) (cité in (66)).
En France, l’étude pilote « Elfe » (Étude longitudinale depuis l’enfance), a montré une présence de phtalates chez 100 % des femmes (66).
“Comparés aux adultes, tous les enfants présentent des concentrations 3 à 5 fois plus élevées que les adultes analysés dans le même temps… L’exposition des nourrissons et des jeunes enfants aux phtalates provient essentiellement de la voie alimentaire” (66). Des études montrent que l’exposition commence in utero” (66).
Or la toxicité des phtalates pour l’appareil reproducteur masculin est maintenant bien établie.
Desdoits a montré en 2012 la réduction de la production de testostérone par des cellules testiculaires en présence de phtalates (16).
En 2015 l’équipe de Chang WH attestait que l’exposition professionnelle et non professionnelle d’hommes adultes aux phtalates s’accompagnait d’une réduction du taux de testostérone et de la spermatogenèse (17).
Dans une méta-analyse, publiée en octobre 2018, Radke et al confirment la toxicité d’une exposition aux phtalates pendant la grossesse pour l’appareil reproductif masculin (14), entrainant des malformations uro génitales, des troubles de la spermatogenèse, de la production de testostérone, ainsi qu’une hypo-fertilité.
RETARDATEURS DE FLAMME POLYBROMES (RFB)
On utilise les retardateurs de flamme depuis les années 1970 afin de bloquer ou ralentir l’inflammation des matières combustibles en cas d’incendie. Ils peuvent être incorporés dans les biens de consommation, tels que les appareils électroniques (téléviseurs, ordinateurs), les textiles (vêtements, rideaux), les voitures (sièges, plastiques), les meubles (mousses, capitonnages) et les matériaux de construction (résines, câbles) (69).
“ Les retardateurs de flamme bromés (RFB) représentent 30 % des retardateurs de flamme utilisés au niveau européen” (66).
Les PBDE sont des retardateurs de flamme additifs. Ils ne sont pas liés aux matériaux par des liaisons chimiques, mais par un phénomène physique, et peuvent par conséquent faire l’objet d’un relargage depuis les matériaux dans certaines conditions” (66).
“Les produits alimentaires riches en lipides (viande, poisson, lait) contribuent de façon majeure à l’exposition de l’Homme aux RFB. Toutefois, les habitudes alimentaires très diverses d’un continent à l’autre expliquent une disparité observée en ce qui concerne les principaux contributeurs parmi ces produits (66).
Concernant les jeunes enfants, ils sont davantage exposés que les adultes aux poussières qu’ils inhalent, et aux plastiques qu’ils manipulent (66).
“La revue globale de Frederiksen et coll. (2009a) consacrée aux niveaux et différentes sources d’exposition humaine aux PBDE dégage plusieurs observations, parmi lesquelles une contribution majeure des produits alimentaires riches en lipides, de l’ingestion de poussières présentes dans l’atmosphère domestique, et du lait maternel” (66).
Les principales sources d’exposition aux PBDE sont:
– Alimentaires: “Les deux sources alimentaires principales identifiées à l’origine de cet apport sont les produits laitiers (39 %) et le poisson (28 %)“ selon une étude conduite aux Pays Bas. Concernant cette étude, “il doit être rappelé que la consommation de lait aux Pays-Bas est historiquement significativement plus haute que dans les autres pays de l’Union Européenne” (66).
– Concernant le poisson, “un parallèle peut être fait avec d’autres types de polluants organiques persistants lipophiles tels que les dioxines ou les PCB qui sont également retrouvés de façon préférentielle dans le poisson et en particulier chez les espèces présentant un fort taux de matière grasse” (66).
– Aux Etats Unis, “les résultats montrent que les parties grasses de viande de volaille et de bœuf sont les principaux contributeurs de ces niveaux de contamination, à la fois sur la base de l’étude du bol alimentaire précis sur 24 heures et sur la base d’un questionnaire annuel de fréquence. Aucune association n’a en revanche été observée avec la consommation de poisson ou de produits laitiers, contrairement à l’étude précédente. Ce dernier résultat reflète très probablement les différences majeures de consommation entre les deux pays considérés” (66).
– Cutanées, essentiellement pour les enfants: “S’agissant des autres voies d’exposition, Chen et coll. (2009) ont déterminé les teneurs de PBDE tri- à déca-bromés dans un ensemble de 69 jouets fabriqués en Chine. Les résultats ont montré une présence de ces composés à une teneur cumulée… qui place cette voie d’exposition derrière la voie alimentaire lors des toutes premières années de vie mais devant celle-ci durant les années suivantes jusqu’à l’adolescence (66).
– “Les sièges automobiles et certains matériaux de literie apparaissent comme les principaux prédicteurs des niveaux d’imprégnation mesurés pour cette population (américaine)” (66).
– “Des résultats ont montré que ces niveaux d’imprégnation étaient globalement plus faibles pour les enfants de mères asiatiques, mais plus élevés pour les enfants de mères fumeuses (66).
L’exposition aux RFB a connu un accroissement d’un facteur 5 entre les années 1980 et 1990, suivi d’une tendance à la décroissance depuis le début des années 2000: “ L’étude suédoise de Fängström et coll. (2008) a étudié l’évolution temporelle des niveaux de PBDE et de HBCD dans des échantillons de lait maternel collectés sur la période 1980 à 2004… Les résultats obtenus montrent, pour les deux PBDE majoritaires (BDE 47 et BDE 153), un accroissement des niveaux d’imprégnation mesurée entre le début des années 1980 et la fin des années 1990 (d’un facteur 4 à 5), puis une tendance à la décroissance depuis le début des années 2000” (66). Les foetus sont exposés aux perturbateurs endocriniens in utero, ainsi que les nourrissons nourris au sein maternel, mais de façon très variable selon les origines des mères (66).
LES COMPOSES PERFLUORES (PFC)
On utilise les composés perfluorés depuis les années 1950; ils peuvent être présents dans de nombreux produits de consommation courante : traitements antitaches et imperméabilisants de textiles, enduits résistant aux matières grasses, revêtements antiadhésifs (Téflon®), etc. (69) Ce sont des perturbateurs endocriniens.
“Les PFC sont utilisés dans de nombreuses applications industrielles, notamment pour les traitements anti-taches et imperméabilisants de textiles (vêtements, tissus, tapis, moquettes…), les enduits résistants aux matières grasses pour les emballages en papier et/ou carton autorisés pour le contact alimentaire, les revêtements anti-adhésifs, les mousses anti-incendie, les tensioactifs utilisés dans l’exploitation minière et les puits de pétrole, les cires à parquet, ou encore certaines formulations d’insecticides. En conséquence, les consommateurs des pays industrialisés sont aujourd’hui en contact avec ces perturbateurs endocrininiens dans leur vie quotidienne, à travers un grand nombre de produits manufacturés. Parallèlement, comme beaucoup d’autres polluants chimiques d’origine anthropique, les PFC peuvent être relargués dans l’environnement à chaque étape de leur cycle de vie, puis retrouvés dans la chaîne alimentaire et in fine dans les organismes vivants” (69).
Les voies d’exposition sont diverses:
– “La source alimentaire (incluant l’eau de boisson) apparaît comme la voie d’exposition principale aux contaminants perfluorés, en particulier pour l’adulte… La contribution majeure du poisson et des produits de la mer à cette exposition a été soulignée, celle-ci s’élevant d’après les modèles utilisés à 81 % et 38 % pour le PFOS et le PFOA, respectivement3 (67).3 La sous-population des gros consommateurs de poisson apparaît à risque (66).”
– l’inhalation de poussières, notamment via le contact direct avec certains revêtements de type tapis ou moquette, les textiles, représente une part mineure pour l’adulte. Les enfants apparaissent en revanche davantage exposés en raison d’une part d’un rapport exposition/poids corporel plus grand et d’autre part d’un contact direct plus important avec certains produits manufacturés tels que les tapis et les moquettes (67).
– “Les niveaux d’imprégnation en PFC sont significativement plus faibles dans les pays d’un niveau de développement sensiblement inférieur à celui des pays industrialisés” (67).
LES PARABENES
“En raison de leurs propriétés antibactériennes et antifongiques, les parabènes sont très largement utilisés comme conservateurs dans les cosmétiques, les médicaments et les aliments. Leur première utilisation en tant que conservateur remonte à 1920. Les composés de la famille des parabènes les plus couramment utilisés comme additifs alimentaires sont : le méthyl parabène ou 4-hydroxybenzoate de méthyle (E218) et son sel de sodium (E219), l’éthyl parabène ou 4-hydroxybenzoate d’éthyle (E214) et son sel de sodium (E215)” (66).
“Certains parabènes, notamment le méthylparabène, existent à l’état naturel à de faibles concentrations dans les aliments tels que la mûre, l’orge, la fraise, le cassis, la vanille, la carotte ou l’oignon. Dans le corps humain, ils sont des précurseurs du coenzyme Q10 (ubiquinone) (Whistance et coll., 1971). Ils ont une activité antibactérienne et antifongique” (66);
Les parabènes sont utilisés dans 70 % des cas sous formes administrées par voie orale (formes liquides de type sirop ou solides de type comprimé) et 13 % par voie cutanés (66), comme le Méthyl parabène et l’Éthyl parabène, à la fois additifs alimentaire (E218) et (E214) respectivement, et ingrédients cosmétiques (66).
“Du fait de leur emploi comme conservateurs dans plus de 80 % des produits cosmétiques (shampooings, crèmes hydratantes, mousses à raser…) et dans de nombreuses spécialités pharmaceutiques, l’être humain est régulièrement exposé aux parabènes” (66).
“La présence …du méthylparabène dans le sang de cordon et le lait maternel a été rapportée (Makino, 2003)” (cité in (66)).
“Une analyse a porté sur 2 548 échantillons urinaires: Le méthyl parabène et le propyl parabène ont été détectés dans 99,1 % et 92,7 % des échantillons respectivement, l’éthyl dans 42,4 % et le butyl dans 47 %… Les adolescentes et les femmes adultes avaient des concentrations significativement plus fortes que les adolescents et hommes adultes” (66).
“Schlumpf et coll. (2010) ont recherché la présence de parabènes dans le lait maternel pour 3 cohortes (2004, 2005, 2006) d’un total de 54 couples mèresenfants. Le méthyl, éthyl et propyl parabènes non conjugués ont été détectés dans 15 à 34 % des échantillons de lait dégraissé” (cité in (66)).
“Une étude récente (2010) menée chez les hommes danois montre la présence des 4 parabènes (méthyl, éthyl, propyl, butyl parabènes) dans le plasma et le liquide séminal” (cité in (66)).
“De même, une étude française dans une cohorte de femmes enceintes révèle la présence de méthyl, éthyl, propyl, butylparabènes dans l’urine et des taux urinaires de méthyl parabène proches de 100 µg/l” (66).
LES PESTICIDES
Les pesticides sont largement utilisés en France, premier pays de l’Union européenne quant à la surface agricole utile, ce qui en fait l’un des plus importants utilisateurs au monde de ces perturbateurs endocriniens. La population utilise également des pesticides à des fins domestiques pour la lutte contre les insectes (le propoxur, substance active du Baygon®), les parasites (les chlorophénols, les pesticides organophosphorés et les pyréthrinoïdes, utilisés comme antimites, anti-acariens, antipuces, antipoux) et le désherbage (l’atrazine, interdit en 2003, et le glyphosate, substance active du Roundup®) (69).
« Depuis les années 1980, les enquêtes épidémiologiques ont évoqué l’implication des pesticides dans plusieurs pathologies chez des personnes exposées professionnellement à ces substances, en particulier des pathologies cancéreuses, des maladies neurologiques et des troubles de la reproduction. Ces enquêtes ont également attiré l’attention sur les effets éventuels d’une exposition même à faible intensité lors de périodes sensibles du développement (in utero et pendant l’enfance) (66).
Actuellement 309 substances phytopharmaceutiques sont autorisées en France… On distingue les herbicides, les fongicides, les insecticides… – Il existe près de 100 familles chimiques de pesticides : organophosphorés, organochlorés, carbamates, pyréthrinoïdes, triazines… (66).
« Outre les produits phytopharmaceutiques, qui représentent la plus grande part de produits utilisés en agriculture, certains biocides, médicaments vétérinaires ou médicaments à usage humain sont considérés comme des pesticides » (66).
« La rémanence des pesticides dans l’environnement peut varier de quelques heures ou jours à plusieurs années. Ils sont transformés ou dégradés en nombreux métabolites. Certains, comme les organochlorés persistent pendant des années dans l’environnement et se retrouvent dans la chaine alimentaire » (70).
« Mais peu de données sont disponibles en France sur l’évolution temporelle et la distribution spatiale des utilisations des pesticides, que ce soit dans le domaine agricole ou non agricole: pas d’archivage systématique des utilisations, pas d’enquêtes régulières à grande échelle… Ce manque d’information est une difficulté majeure pour les études épidémiologiques analysant les effets des pesticides sur la santé » (66). « La majeure partie des tonnages (90%) est utilisée pour les besoins de l’agriculture, mais d’autres secteurs professionnels sont concernés : entretiens des voiries, jardins et parcs ; secteur industriel (fabrication, traitement du bois,…) ; usage en santé humaine et vétérinaire, lutte anti-vectorielle (moustique), dératisations …Il faut ajouter à cette liste les usages domestiques (plantes, animaux, désinsectisation, jardinage, bois)(70).
« En France, les fongicides représentent près de la moitié des tonnages. 80% des tonnages de pesticides sont utilisés pour un traitement des céréales à paille, maïs, colza, vigne. Les plus vendus ont comme principe actif le soufre ou le glyphosate »… Les pesticides sont présents partout dans l’environnement. On peut les trouver dans l’air (air extérieur et intérieur, poussières), l’eau (souterraines, de surface, littoral, …), le sol, et les denrées alimentaires (y compris certaines eaux de consommation) (70).
« L’exposition professionnelle aux pesticides, présente ou passée, touche en France une population très nombreuse. Aux 5,6 millions de personnes touchant actuellement une prestation de la Mutualité Sociale Agricole (salariés, exploitants, ayants droit dont enfants, retraités) qui est ou a été potentiellement exposée (directement ou indirectement, sur des périodes plus ou moins longue de leur vie), il convient d’ajouter de nombreux autres professionnels tels que les personnes en charge de l’entretien des voiries et voies ferrées, des espaces communaux, des terrains de sports et de loisirs, de la désinsectisation des locaux, de l’hygiène publique ou des soins vétérinaires, les jardiniers et les paysagistes, ou encore les personnes intervenant dans le traitement des bois ou dans la manipulation de bois traités »(66).
« En milieu professionnel, la voie cutanée représente la principale voie d’exposition (environ 80%). L’exposition par voie respiratoire existe lors de circonstances particulières d’application (fumigation, utilisation en milieu fermé)… En population générale, la voie orale est souvent considérée comme la principale voie d’exposition à travers l’alimentation (66).
« Les personnes effectuant des tâches au contact de cultures préalablement traitées par des pesticides (taille, récolte…) n’ont généralement pas conscience de leurs expositions et du risque potentiel associé à ces expositions. Ils méconnaissent les substances utilisées préalablement aux tâches qu’ils effectuent. De ce fait, ils ne portent le plus souvent aucun équipement de protection individuel (EPI) » (66).
« La contamination de l’environnement par les perturbateurs endocriniens est le résultat de l’ensemble de ces utilisations, professionnelles et domestiques, et l’exposition susceptible de concerner la population générale peut donc provenir de la contamination de différents milieux : le sol avec le dépôt du produit, l’air extérieur et intérieur, l’eau (de surface et souterraine) et l’alimentation (eau, végétaux et animaux) (Afsset, 2010). Les contaminations empruntent trois voies principales d’exposition (cutanée, orale, et respiratoire) qui seront présentées pour la population agricole et générale » (66).
« Qu’il s’agisse d’activités professionnelles ou non, les contaminations aux pesticides, c’est-à-dire l’introduction des substances dans le corps, ont lieu selon trois voies d’exposition : la voie cutanée (et oculaire), la voie digestive (ou orale) et la voie respiratoire » (66):
– Pour la population générale :
o Diverses études ont mis en avant l’alimentation pour la population générale: « La contamination des aliments ou de l’eau de boissons par des résidus de pesticides est bien établie et participe à l’exposition de la population générale. En France métropolitaine, en 2007, la présence de pesticides dans l’eau (rivières, nappes) est généralisée : 91 % des points de contrôle des cours d’eau et 59 % des points de contrôle des eaux souterraines présentent des traces de pesticides (Commissariat général au développement durable, 2010) » (cité in (66)).
o « Environ 18 % des points de contrôle des eaux de surface et 3,8 % des eaux souterraines ne respectent pas le taux maximal de 0,5 µg/l de pesticides. Globalement, les régions les plus touchées sont les zones viticoles et des grandes cultures céréalières » (66).
o la proximité du lieu de résidence avec un champ agricole : « Plusieurs études suggèrent que les pesticides utilisés en agriculture et volatilisés dans l’atmosphère contaminent l’environnement et peuvent être par conséquent, une source importante d’exposition des populations habitant à proximité de zones agricoles ou même à de grandes distances (Teil et coll., 2004) (cité dans(66)).
o l’utilisation à domicile ou encore l’apport au domicile de résidus de pesticides par les personnes exposées professionnellement (Bouvier et coll., 2005) (in (66)). « L’utilisation de pesticides à domicile apparaît aussi comme une source non négligeable d’exposition. Des concentrations plus élevées de pesticides sont retrouvées dans les poussières des résidences (Colt et coll., 2004 ; Quirós-Alcalá et coll., 2011) et dans les urines d’adultes (Kieszak et coll., 2002) lorsque des utilisations à domicile de pesticides ont été déclarées. En zone urbaine à New York, des niveaux plus élevés de pesticides dans l’air intérieur ou l’air exhalé ont été mesurés parmi des femmes ayant déclaré une utilisation de pesticides sous forme de spray/bombe comparées à celles n’ayant déclaré aucune utilisation (Whyatt et coll., 2003 et 2007 ; Williams et coll., 2008) » (cité dans (66)).
o « Par exemple, un contact avec des résidus présents dans les poussières des logements (ou l’ingestion des poussières lors du comportement main-bouche des enfants), avec des animaux domestiques traités par des antiparasitaires, ou encore avec les vêtements contaminés lors d’un traitement sont des situations potentiellement exposantes » (66).
o En population générale, il est difficile de connaître précisément les niveaux d’exposition liés aux pesticides présents dans le compartiment aérien. Il n’existe pas de recueil systématique et exhaustif des pesticides présents dans l’air. Il n’existe pas non plus de valeur réglementaire concernant les concentrations en pesticides dans l’air extérieur. Cette voie d’exposition est relativement peu étudiée, pourtant l’exposition à proximité des lieux d’épandage est considérée comme non négligeable (InVS, 2006).
o « L’utilisation des pesticides organochlorés a pratiquement disparu en France dans les usages agricoles et domestiques en raison de leur toxicité potentielle et de leur grande persistance… Compte tenu de la bioaccumulation de ces molécules dans les graisses animales, l’exposition actuelle de la population générale en Europe est essentiellement d’origine alimentaire via la consommation de poissons, viandes, lait et produits laitiers (Anses, 2011 ; Gasull et coll., 2011) » (66).
o En Bretagne, une région à forte activité agricole, la cohorte Pélagie avait pour objectif d’évaluer le niveau d’imprégnation des femmes enceintes aux pesticides et leur impact potentiel sur le fœtus et son développement (71). Les pesticides étudiés sont des herbicides et des insecticides organophosphorés d’usage agricole ou non agricole. Les résultats indiquent la présence de traces de pesticides dans la majorité des urines des femmes enceintes (44 molécules ont été quantifiées et retrouvées dans 1 à 84 % des échantillons).
o Dans l’esprit des conclusions de la Conférence européenne sur la biosurveillance humaine organisée à Paris en novembre 2008, plusieurs programmes nationaux de biosurveillance ont été mis en place en Europe incluant l’étude des expositions aux pesticides (BEH, 2009). En France, l’InVS, en charge de ce programme, a mis en place une étude sur l’exposition de la population française aux substances chimiques de l’environnement (Fréry et coll., 2011), avec un volet qui inclut les expositions aux pesticides. Les premiers résultats (Fréry et coll., 2010) montrent que les organochlorés (HCB, αHCH, βHCH, γHCH (lindane), DDT, DDE), sont présents chez l’ensemble des sujets de l’étude ou presque à l’exception du lindane, détecté chez 7 % des individus. Les métabolites dialkylphosphates (DAP, 6 métabolites mesurés) ont été retrouvés dans plus de 90 % des échantillons urinaires et les métabolites des pesticides pyréthrinoïdes (5 métabolites mesurés) ont été retrouvés dans plus de 80 % des échantillons.
Pour la population professionnelle et son entourage :
o « Les études d’exposition en champ ont démontré de longue date qu’en milieu professionnel, la principale voie d’exposition aux pesticides perturbateurs endocriniens est l’exposition cutanée. Ultérieurement, une étude comparant les expositions lors de traitements par les pesticides en milieu ouvert a montré que l’exposition cutanée était, au moins, cent fois supérieure à l’exposition par inhalation (Bonsall, 1985)… Cette exposition n’était pas homogène selon les zones du corps et dépendait notamment des tâches effectuées» (66).
o « En milieu professionnel, l’exposition par voie digestive peut être liée au fait de manger, de boire ou de fumer avec des mains contaminées »(66).
o « En milieu professionnel, l’exposition aux pesticides par inhalation concerne plus particulièrement certaines conditions spécifiques, comme l’usage de la fumigation, la préparation ou l’application dans les milieux fermés (serres, silos, bâtiment d’élevage…). Il a été calculé que l’exposition respiratoire représentait de 7 à 9 % de l’exposition totale chez des applicateurs de Fosétyl-Aluminium (un fongicide) dans des serres, une part qui ne peut être considérée comme négligeable » (Fenske et coll., 1987) (cité in (66)).
o Dans des familles d’agriculteurs, des niveaux plus élevés de résidus de pesticides dans les poussières de maison (Lu et coll., 2000 ; Fenske et coll., 2002 ; Quandt et coll., 2004) et/ou dans les urines d’enfants (Loewenherz et coll., 1997 ; Lu et coll., 2000) ont été retrouvés dans les résidences les plus proches de zones agricoles. Ward et coll. (2006), en Iowa, ont par exemple montré une relation directe entre la probabilité de détecter un ou plusieurs herbicides agricoles dans les poussières de l’habitat et la superficie de cultures de maïs et de soja dans un rayon de 750 m autour du lieu de résidence.
En conclusion, les risques d’exposition liés à l’utilisation des pesticides en milieu agricole concernent plusieurs situations au cours des tâches professionnelles (stockage, préparation, épandage, et nettoyage des cuves…). Les phases de risque d’exposition liées à l’usage des pesticides sont similaires dans les autres milieux professionnels (dératisation, traitement des espaces verts, des voiries…). En population générale, l’exposition provient à la fois de produits à usage professionnel (agricole ou d’autres secteurs) dont les résidus contaminent l’eau, l’air ou les aliments, mais aussi de produits utilisés par les particuliers dans le domicile, dans le jardin, ou sur les animaux domestiques.
La contamination de l’homme par les pesticides passe par trois voies d’exposition (cutanée, orale, et respiratoire). En milieu agricole, l’exposition cutanée aux pesticides est considérée comme la voie majeure de pénétration des pesticides. Dans la population générale, il est généralement admis que la voie d’exposition alimentaire est la voie d’exposition prédominante mais les autres voies de contamination, l’exposition par diffusion aérienne lors d’usages à domicile ou résultant de la volatilisation et du transport de pesticides utilisés en zones agricoles sont encore trop peu étudiées » (66).
En termes de risques liés à l’exposition aux pesticides, l’expertise collective (de l’INSERM (70)) a ciblé 8 localisations de cancer : 4 cancers hématopoïétiques, ainsi que les cancers de la prostate, du testicule, les tumeurs cérébrales et les mélanomes, et des effets sur la grossesse et le développement de l’enfant.
« Il existe maintenant de nombreuses études épidémiologiques suggérant un lien entre l’exposition prénatale aux pesticides et le développement de l’enfant, à court et moyen terme. La littérature suggère une augmentation significative du risque de morts fœtales (fausses couches) ainsi qu’une augmentation du risque de malformations congénitales lors d’une exposition professionnelle maternelle aux pesticides. D’autres études pointent une atteinte de la motricité fine et de l’acuité visuelle ou encore de la mémoire récente lors du développement de l’enfant. Enfin, une augmentation significative du risque de leucémie et de tumeurs cérébrales a été mise en évidence dans les méta- analyses récentes (70).
Plusieurs études cas-témoins et de cohortes montrent une augmentation du risque de malformations congénitales chez les enfants des femmes vivant au voisinage d’une zone agricole ou liée aux usages domestiques de pesticides (malformations cardiaques, du tube neural, hypospadias) (70).
CONCLUSION
En conclusion de ce volet, il apparaît que les perturbateurs endocriniens répondent à des usages multiples, dans la vie quotidienne et professionnelle ; ils ont contaminé l’environnement, les sols, l’air, les eaux, et sont recyclés dans l’alimentation, sous forme solide et liquide. L’exposition humaine est totale, par voie cutanée, voie respiratoire, et par l’alimentation. La protection des personnes et des populations requiert des mesures générales et réglementaires, mais des stratégies personnelles peuvent permettre de réduire le risque d’intoxication par les perturbateurs endocriniens. Il nous reste à les déployer.
Dans le prochain volet de notre dossier, nous verrons que les modalités d’action de ces perturbateurs endocriniens diffèrent des toxiques tels que nous les connaissions jusqu’ici. L’étude de ces substances remet en question quelques dogmes fondamentaux de la toxicologie, requiert le développement de nouveaux modèles et de nouvelles méthodes pour rendre compte de leurs effets. Cette difficulté scientifique retarde la mise en place de mesures de précaution, et fait la part belle aux industriels, qui s’appuient sur le « doute » pour maintenir l’usage des substances jugées suspectes, et obtenir le soutien des autorités réglementaires dans ce sens.
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