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La démarche éthique devient nécessaire là où des intérêts entrent en compétition voire en conflit dans la définition des objectifs, des finalités, des priorités d’une activité humaine. Elle répond à un besoin de régulation des rapports de force L’éthique est cette archéologie des valeurs qui se donnent à voir à travers les comportements et leurs interactions, afin que, rendues explicites, elles puissent promouvoir des choix délibérés et collectifs. Si la morale est le contenu explicite d’une idéologie, comprise comme vision d’un ordre du monde qui voudrait s’imposer comme naturel, l’éthique dénoue les fils qui dissimulent l’idéologie sous la morale, et propose, dans la dimension finie et incomplète de la connaissance débarrassée des fausses membranes d’une certitude idéologique, des choix relatifs, pour des êtres finis et incomplets.
La santé est un objet de réflexion pour la société et pour l’état. Une filière économique majeure entièrement contrôlée par l’état, via un ministère et d’innombrables agences et administrations, des professionnels certifiés, d’autres en mal de reconnaissance, des pans entiers de l’industrie, établissent la santé comme une mission revendiquée par l’état, et un enjeu prioritaire pour la société. En tant qu’objet politique, la santé soulève d’innombrables questions morales et éthiques: que faut-il faire? quels choix, quels arbitrages, quelles priorités, quelle justice?
Le projet ultime de la médecine n’est pas de soigner, mais d’incarner socialement le souci de considérer la personne comme personne, c’est à dire indépendamment des critères et valeurs qui la qualifient socialement par ailleurs. Les compétences des personnes ne sont pas l’affaire de la médecine, sauf à considérer qu’elles appartiennent à la personne en droit, et constituent pour elle les moyens de son expression. La médecine incorporée au monde sportif n’est qu’un outil parmi d’autres de la cellule de compétences au service de l’efficacité. Elle contribue à l’étayage technique qui réduit les facteurs d’incertitude et comme telle, se trouve en porte à faux avec sa mission fondamentale : incarner le souci de préserver et de développer l’équilibre psychique et physique de la personne. Les médecins ont donc pour devoir de se donner les moyens d’exercer leur mission vis à vis de l’homme, y compris sportif, en lui offrant cette image de lui-même d’un être complet au-delà de toute critère d’évaluation possible, et ne pouvant être entamé que par la souffrance.
Dr Claire Condemine-Piron Présentation de l’auteur