Pollution de l’air intérieur du logement

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La pollution de l’air intérieur des logements est supérieure à celle de l’air extérieur. De nombreuses substances y contribuent, de la cuisine à la salle de bains.

Substances incriminées

  • « Les métaux trace toxiques se retrouvent dans le milieu domestique, hors de l’alimentation. C’est le cas du mercure (dans les thermomètres et, surtout, dans les baromètres, toujours à l’air libre, et dans certains désinfectants), du plomb (certaines canalisations, peintures anciennes à la céruse, jouets) et du cadmium (contaminant apporté par les fertilisants, à savoir les phosphates) » ([1] p.133).
  • “Les composés organiques semi-volatils (COSV) sont des substances qui, à température ambiante, sont présentes dans l’air sous formes gazeuse et particulaire, mais également dans les poussières sédimentées au sol ou sur le mobilier. Ils font l’objet d’un nombre croissant d’études dans le monde. Les COSV proviennent par exemple des matériaux plastiques (phtalates), des ordinateurs et des textiles d’ameublement (retardateurs de flamme polybromés notamment), des détergents (muscs de synthèse) ou des traitements insecticides (pyréthrinoïdes). Ils peuvent aussi être utilisés dans des objets du quotidien ayant des propriétés antiadhésives ou antisalissures par exemple (perfluorés). Certains, comme les polychlorobiphényles (PCB), ne sont aujourd’hui plus autorisés, mais ils peuvent encore être émis par des joints d’étanchéité utilisés dans les années 70 et encore en place dans les bâtiments([2] p.2).
  • Poussières et solvants sont issus:
  • des revêtements de sol (Bisphénol A),
  • des meubles rembourrés (PBDE)[3],
  • des peintures (alpkyphenols),
  • des meubles (Composés Organiques Volatils (COV), tels que formaldehyde, toluène, xylène, éthylbenzène, styrène…)[4].

Dans l’air des logements, les résultats de mesures dans la phase gazeuse montrent des concentrations plus élevées pour les phtalates (principalement pour le DiBP). Les résultats de mesures des autres composés sont pour la plupart inférieurs aux limites de quantification. Les phtalates sont aussi les composés majoritaires dans la phase particulaire de l’air. Le DEHP est le composé présentant les plus fortes concentrations ([5]p.52). « L’imprégnation des femmes enceintes par les pyréthrinoïdes, seule famille de pesticides fréquemment retrouvée dans l’étude, augmente avec l’usage domestique de ces pesticides (insecticides, antipoux et antipuces), la consommation de tabac et d’alcool. L’analyse suggère également que la présence de certaines cultures agricoles à proximité du lieu de résidence est associée à une augmentation des niveaux d’imprégnation »[6].

Les peintures

Alors qu’un intérieur sain ne doit pas excéder 200 µg/m3 de COV[7] (norme américaine), des peintures murales peuvent entraîner jusqu’à 350 000 µg/m3 le lendemain de l’application, certaines émettant encore entre 2000 et 25 000 µg/m3 deux semaines plus tard1 p.253).

Les cosmétiques : Inhalation de sprays anti UV

L’inhalation de dioxyde de titanium contenu dans des produits de protection solaire en spray sur le visage doit être évitée, particulièrement sur le visage des enfants. (Recommandation de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de Santé, ANSM)[8].

Les meubles

Tant les meubles anciens que les meubles modernes peuvent être sources d’émissions nuisibles pour la santé. Pour les premiers, cela peut résulter d’un entretien intensif comme l’encaustiquage régulier et, pour les seconds, cela provient de leur matière même, souvent des panneaux de particules agglomérées, du lamellé-collé (la colle qui les maintient émettant, éventuellement pendant des années, du formaldéhyde dans l’air des pièces) ou du formica par exemple (1 p.180). En outre, tous les sièges modernes, qu’il s’agisse de ceux de l’habitat, des bureaux ou des divers moyens de transport comme nombre d’appareils (télévisions, ordinateurs…) sont imprégnés de retardateurs de flamme (1 p.180). « Il est prévisible que, lors d’un incendie, la mousse de polyuréthane de fauteuils émettra de l’acide cyanhydrique… C’est pourquoi les pompiers ne cessent de réclamer l’édiction de normes pour ce type d’ameublement » (1 p.260).

Les tapis

L’« UFC – Que choisir ? » s’est penchée sur le rôle des tapis comme éléments de la pollution de l’air intérieur (« Dérouler la pollution », n° 425, avril 2005) pour relever tout d’abord qu’il n’existe pas en France de labels de qualité « basses émissions » pour les revêtements de sol, à l’inverse de l’Allemagne, du Danemark et de la Finlande. Les tests effectués par la revue ont mis en évidence que presque tous les tapis provoquent une contamination de l’air non négligeable durant parfois un mois après leur déballage. « Il peut s’agir d’émissions de composés organiques volatils, de formaldéhyde (au-delà de 200 µg/m3), de benzène (au-delà de 2 µg/m3), d’éthers de glycol ou d’ammoniac. Surtout, la plupart des tapis nécessitent une exposition à l’air libre durant deux à trois semaines après leur achatIl existe des tapis aux motifs décoratifs spécialement conçus pour les enfants mais qui nécessitent, sans que cela soit indiqué, un mois d’aération avant installation tant leurs émissions de composés organiques volatils et d’ammoniac sont intenses » (1 p.181). De même, il est nécessaire de stocker un minimum de temps du parquet flottant avant sa mise en vente, du fait de l’émission de formaldehyde (1 p.251).

Les désodorisants d’intérieur

En décembre 2004, « l’UFC-Que choisir ? » (n°421, décembre 2004) a lancé une alerte sur les désodorisants d’intérieur qu’elle a qualifiés de « polluants d’ambiance ». Les tests effectués ont mis en valeur l’émission de substances dangereuses parmi lesquelles :

  • des muscs artificiels soupçonnés d’être des perturbateurs endocriniens (altone, galaxolide, tonalide, traseolide),
  • des phtalates soupçonnés d’être des perturbateurs endocriniens (diéthylphtalate),
  • du benzène, hydrocarbure cancérogène impliqué dans les leucémies et les lymphomes,
  • du formaldéhyde, gaz irritant et cancérogène certain,
  • du styrène et du naphtalène, cancérogènes possibles pour l’homme,
  • du toluène, hydrocarbure aromatique neurotoxique (1 p.185).

Brûler de l’encens provoque l’émission par cette combustion de benzène, de formaldéhyde et de phtalates, tous produits dont l’inspiration peut s’avérer dangereuse pour la santé. Le Papier d’Arménie dégage du formaldéhyde et du benzène (1 p.185).

Les produits ménagers

« L’UFC- Que choisir ? » a analysé en 2004, dix-huit produits d’entretien multi-usages commercialisés en France et a constaté que certains polluaient gravement l’air intérieur des habitations (87 p.186). « En effet, douze des dix-huit produits émettent encore plus de 500 µg/m3 de composés organiques volatils quatre heures après leur application et deux (les nettoyants multi-usages au savon de Marseille de marque Ajax et de marque Saint Marc) des dix-huit produits émettent encore près d’1 mg/ m3 de COV quatre heures après leur application… au lieu de 200 µg/m3 (norme aux États-Unis d’Amérique)…Il s’agit là de niveaux d’exposition élevés, et même très élevés dans le second cas, montrant que l’utilisation normale d’un produit d’entretien peut contribuer de manière importante à la pollution de l’air intérieur » (1 p.186).

Les placards de rangements

Quelques substances et les produits en contenant contaminent l’air intérieur :

  • éthers de glycol (nettoyants pour vitre, dégraissants, savons liquides) ;
  • soude caustique (déboucheurs d’évier, décapants de four) ;
  • trichloréthylène (détachants, etc.) ;
  • toluène (désodorisants d’air intérieur) ;
  • hydrocarbures aromatiques (cires liquides) ;
  • paradichlorobenzène (blocs désodorisants pour les cuvettes de toilette) (1 p.187).

L’armoire de salle de bains

Ce placard contient des laques, des teintures, des vernis, des dissolvants, des parfums dont les émissions sont parfois très présentes dans l’air intérieur. Parmi les substances volatiles se retrouvant dans des produits utilisés pour la beauté (toilette, soins des cheveux et des ongles, maquillage) et pouvant présenter des dangers pour la santé humaine, figurent :

  • des cétones (dissolvants de vernis à ongles),
  • des parabènes,
  • des éthers de glycol, (1 p.188).

Le local du bricoleur

Parmi les substances se retrouvant dans des produits utilisés pour le bricolage ou la mécanique et pouvant présenter des dangers pour la santé figurent :

  • des éthers de glycol (colles, encres, peintures, vernis…),
  • du formaldéhyde (colles des bois agglomérés, des moquettes, des mousses isolantes urée-formol et autres revêtements de sol, des revêtements muraux…),
  • des cétones (dissolvants, dégraissants),
  • des terpènes (essence de térébenthine).

De plus, là encore, la localisation même de ce placard dans l’habitat – souvent situé dans le garage attenant à la cuisine…- peut constituer, en elle-même, un facteur aggravant (1 p.189).

Le local du jardinier

Parmi les substances se retrouvant dans des produits phytopharmaceutiques utilisés pour le jardinage amateur, comprenant l’entretien des plantes d’appartement, et pouvant présenter des dangers pour la santé, figurent nombre d’insecticides, d’herbicides et de fongicides (1 p.190). Depuis janvier 2019, la vente aux particuliers de pesticides est interdite. « De plus, certains logements sont multi pollués. Tel est le cas en particulier de ceux possédant des garages communiquant avec les habitations, qui ont montré des niveaux de concentration en polluants supérieurs à l’ensemble des logements et pourraient constituer un facteur de risques pour les logements attenants, notamment du fait de leurs émissions de benzène » (1 p.192).

Habitacle automobile

« En plus de la pollution provenant de l’air extérieur, existent des pollutions générées par le véhicule lui-même ou ses passagers : émissions de COV des matériaux du véhicule neuf ou des produits utilisées pour le nettoyer, de particules diffusées par les circuits de climatisation et de chauffage plus ou moins bien entretenus sans parler des retardateurs de flamme divers imprégnant nombre des éléments de l’habitacle ou encore des comportements des passagers (tabagisme, usage de désodorisants d’intérieur). Enfin, la bonne odeur de neuf résulte, tout comme dans l’habitat, des émissions de matériaux, colles et solvants non encore dissipés ». (1 p.206).

Air intérieur des salles de classe

« Les enfants, quant à eux, risquent de subir ces émissions de polluants dès la crèche, la maternelle ou l’école primaire du fait d’un mobilier tout neuf fortement émissif en formaldéhyde éventuellement placé dans des établissement scolaires récemment achevés qui ont pu être considérés comme des lieux modèles (aux normes de haute qualité environnementale) … jusqu’à la veille de leur ameublement » (1 p.180). D’après une étude conduite par l’Observatoire de la Qualité de l’Air Intérieur (OQAI) dans des écoles maternelles et primaires 2, les composés présentant les plus fortes concentrations quel que soit le milieu de prélèvement (air ou poussières) sont 6 phtalates et dans une moindre mesure 2 muscs. Ces concentrations pourraient être associées à la présence importante de sols plastifiés dans 48 % des salles de classe (2 p.3).

Le pyrène et le benzo(a)pyrène sont les hydrocarbures aromatiques polycycliques les plus souvent observés dans la poussière car ils sont peu volatils. Leur principal déterminant dans les écoles est la proximité du trafic routier. Ces résultats confirment la présence de nombreux COSV (composés organiques semi-volatils) dans l’air et les poussières des écoles maternelles et élémentaires (2 p.3). L’analyse des compositions des milieux intérieurs a montré la présence très fréquente d’isothiazolinones dans les fournitures scolaires, non mesurées dans les émissions car non volatiles. Les isothiazolinones sont des conservateurs présents dans d’autres types de produits de consommation (lingettes par exemple) et dans les cosmétiques (2). L’impact des fournitures scolaires et des produits d’entretien sur la pollution de l’air des salles de classe n’avait encore jamais été étudié. L’OQAI a, pour la première fois, évalué les émissions de composés organiques volatils (COV) et d’aldéhydes de quelques fournitures et produits d’entretien (2). Les résultats des tests d’émission montrent que de nombreux COV (Composés Organiques Volatils) sont émis, qu’ils sont très variés selon les produits testés… Certaines fournitures scolaires testées, comme la peinture acrylique, l’encre de Chine, le feutre effaçable à sec, la gouache liquide et la peinture vitrail, appellent à la prudence car des émissions en COV et/ou en aldéhydes élevées ont été mesurées (2 p.4). Le confinement, courant dans les salles de classe où prévaut le souci de protéger les enfants du froid, est un facteur aggravant de la concentration de ces produits dans l’air des salles de classe.

Pour en savoir plus sur les moyens de vous protéger des perturbateurs endocriniens, consultez notre ouvrage: L’homme, une espèce et un genre à protéger.

Dr Claire Condemine-Piron Présentation de l’auteur


[1] ANSES: avis relatif aux critètes de définition des perturbateurs endocriniens, 2016: https://www.anses.fr/fr/system/files/SUBCHIM2016SA0133.pdf

[2] OQAI, qualité de l’air intérieur des écoles, 2013: http://www.oqai.fr/userdata/documents/432_Bulletin_OQAI5_Ecoles.pdf

[3] Les PBDE (polybromodiphényléthers) ont été largement utilisés dans de nombreux produits plastiques et textiles, dans les applications électriques et électrotechniques, dans les produits de construction et dans les mousses polyuréthanes.

[4] Santé et sécurité au travail, site internet: http://www.officiel-prevention.com/protections-collectives-organisation-ergonomie/risque-chimique/detail_dossier_CHSCT.php?rub=38&ssrub=69&dossid=274

[5] Rapport au Parlement sur les perturbateurs endocriniens 2014 http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/144000689.pdf

[6] Santé Publique France, rapport sur l’exposition des femmes enceintes françaises aux polluants de l’environnement: http://www.santepubliquefrance.fr/Actualites/Exposition-des-femmes-enceintes-francaises-aux-polluants-de-l-environnement-Tome-1-les-polluants-organiques/Questions-Reponses

[7] COV : Composés Organques Volatils

[8] ANSM, point d’information: https://ansm.sante.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/Nanoparticules-de-dioxyde-de-titane-et-d-oxyde-de-zinc-dans-les-produits-cosmetiques-Etat-des-connaissances-sur-la-penetration-cutanee-genotoxicite-et-cancerogenese-Point-d-information