Pollution alimentaire: faire le point

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les hydrocarbures aromatiques polycycliques de la viande grillée sont de puissants toxiques

La pollution alimentaire s’effectue par toutes sortes de polluants, métaux lourds, produits de synthèse dans les emballages alimentaires (phtalates), additifs et résidus de pesticides, hormones, fumées de la cuisson au barbecue. Ces substances toxiques produisent des effets de type “perturbateurs endocriniens”, qui entraînent hypofertilité et stérilité chez les hommes, cancers, malformations des enfants.

Exposition alimentaire aux métaux lourds

Une étude de l’Anses[1] de 2013 montre que par rapport à l’étude antérieure de 2005[2], l’exposition de la population a augmenté pour le cadmium, l’aluminium, l’antimoine, le nickel, le cobalt. Cette augmentation varie de + 25% (nickel) à + 400% (cadmium)… L’évolution des consommations alimentaires pourrait notamment expliquer ces différences. Pour le cadmium, les résultats soulignent la nécessité de mener des études complémentaires sur la pollution alimentaire pour identifier les raisons des augmentations observées (produits céréaliers notamment). Pour d’autres contaminants (plomb, mercure et arsenic), les résultats montrent une diminution de l’exposition de la population par rapport à 2005. Pour quelques éléments, en particulier l’arsenic inorganique, le cadmium et le plomb, un risque ne peut être écarté pour certains groupes de consommateurs (Tableau 2). Il apparait nécessaire de réduire l’exposition à ces trois éléments, en particulier les contaminations des aliments identifiés comme contributeurs majoritaires :

dans le café, on peut trouver du plomb, de l’arsenic…
  1. plomb : eau, café, boissons rafraîchissantes sans alcool… ;
  2. arsenic inorganique : eau, café, lait… ;
  3. cadmium : pain et produits de panification sèche, pommes de terre[3].
ANSES 2011 Etude de l’alimentation française tome 2 page 10

Les contenants alimentaires

“La structure chimique commune aux composés de la famille des bisphénols leur confère des propriétés œstrogéniques. Le BPS est un substitut potentiel du BPA qui sert dans la synthèse d’un intermédiaire (polyéthersulfone) qui est, par exemple, utilisé pour la fabrication de biberons et de vaisselle pour enfants.

Les BPB, BPM et le BPAF sont utilisés pour la fabrication industrielle des plastiques. Le BADGE, quant à lui est utilisé pour la synthèse de certaines résines époxydes pouvant être utilisées dans le revêtement intérieur de contenants alimentaires (boîtes de conserve, canettes) »[4]. Or l’Ineris[5]et de nombreux auteurs dénoncent la toxicité de ces bisphenols de substitution dans les contenants alimentaires. L’interdiction de la présence de bisphénol A dans les contenants alimentaires en France depuis janvier 2015 a entrainé la substitution de ce BPA par des bisphénols F et S, également inquiétants pour la santé humaine.

attention aux phtalates des emballages plastiques

Les phtalates des emballages plastiques migrent vers les aliments en contact, notamment à l’occasion du chauffage, et sont responsables de pollution alimentaire d’autant plus que les aliments sont gras. « L’imprégnation par les phtalates augmente avec la consommation d’aliments riches en matières grasses susceptibles d’être en contact avec des matériaux contenant des phtalates (crème fraîche, glaces, entremets, etc[6].

Les aliments transformés

Les additifs conservateurs E214 à E219, sont des parabènes ; l’antioxydant E320, déclaré cancérigène par le CIRC (Centre International de Recherche contre le Cancer), sont présents dans les aliments transformés industriels.

Une enquête réalisée en 2016 par “Générations Futures”[7] a révélé la présence de résidus de pesticides dans les céréales muesli (non bio) commercialisées en France. De façon identique à ce qui avait été conclu dans le cadre de l’expertise de l’Anses de 2011, il apparaît que la non-consommation d’aliments conditionnés en conserve (scénario dit « 0% conserve ») réduit de moitié les expositions quelle que soit la population considérée[8]. On peut limiter la pollution alimentaire en privilégiant les produits frais.

Les aliments

On retrouve dans l’organisme de certains consommateurs de cerises un taux d’insecticide, le diméthoate, au-dessus de la valeur toxicologique de référence (VTR)[9], qui définit un niveau de risque pour la santé humaine ; ce pesticide est autorisé pour le traitement des vignes, cultures fruitières et légumières[10]. L’interdiction du Bisphénol A dans tout conditionnement à vocation alimentaire en 2015 a permis d’obtenir une division par 3 de l’exposition des adultes, enfants et femmes enceintes à cette substance lors de la consommation de viande. « Néanmoins, malgré cette tendance à la baisse des contaminations, des dépassements des repères toxicologiques sont observés pour la population des femmes enceintes. Le risque pour cette population ne peut donc pas être écarté »[11].

Certains aliments contribuent de manière notable à l’exposition à plusieurs substances pour lesquelles un risque ne peut être exclu. Il s’agit soit:

  1. d’aliments fortement pollués mais consommés en quantité significative par des populations très réduites:
    1. du thon, contaminé en méthylmercure[12].
    2. des poissons gras, contaminés en dioxines et PCB. Pour ces aliments, il convient de limiter la consommation de ces produits à une portion par semaine 11.
Le saumon peut être contaminé en dioxines et PCB
  1. Mais il peut aussi s’agir d’aliments qui ne sont pas nécessairement très contaminés, mais qui sont très consommés. Ainsi, pour quelques substances, les contributeurs majoritaires sont par exemple :
    1. les céréales (cadmium, plomb, aluminium, DON et dérivés),
    2. les produits qui en sont dérivés: le pain (cadmium, plomb, DON et dérivés) et les pâtes (aluminium),
    3. le café chez les adultes (cuivre, arsenic inorganique et acrylamide),
    4. le lait chez les enfants (plomb, zinc, arsenic inorganique) 11.

Les eaux de boisson

L’eau de boisson peut être une source de pollution alimentaire. Depuis le 1er janvier 2015, l’eau conditionnée dans des bonbonnes n’est plus une source d’exposition au Bisphénol A (BPA), interdit désormais dans tout contenant alimentaire. Sa consommation a été reconnue comme pouvant entraîner un risque « additionnel » pour l’enfant à naître de la femme enceinte exposée[13].

L’eau de boisson en France contient des résidus

Les résultats de multiples enquêtes conduites en France sur les eaux de surface et les eaux souterraines entre 2007 et 2012[14] ont montré “la présence de résidus de plusieurs composés de la famille des phtalates, le bisphenol A, trois parabènes et les cyanures (libres) au-delà du seuil de détection analytique, ainsi que des traces hormonales et médicamenteuses diffuses dans l’eau du robinet (20). “On retrouve également parmi les 30 premières substances des composés appartenant à la famille chimique des dioxines et furannes et des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), des retardateurs de flamme bromés, six composés à usage phytosanitaire ou biocide, trois résidus médicamenteux et hormones (kétoprofene, oxazepam et estrone) et trois substances industrielles. Parmi ces 30 substances, certains composés dépassent significativement le seuil de concentration de 0,1 μg/L, identifié comme un seuil de préoccupation. C’est le cas des phtalates, du bisphénol A, des parabènes, des cyanures et de l’acide amino méthyl phosphorique (AMPA)13. La pollution de l’eau peut être réduite par des filtres.

Phytoestrogènes d’origine alimentaire

La pollution alimentaire peut être liée à la consommation de produits naturellement concentrés en certaines substances, nocives pour certains populations. Onze phyto-estrogènes, dont les principaux contributeurs sont les produits à base de soja, ont été mesurés dans l’étude 2013 de l’ANSES et détectés dans 20% des 3700 analyses (1 à 60% selon la substance considérée). Certains adultes et enfants forts consommateurs de produits à base de soja (boissons au soja, desserts au soja, tofu, etc.) présentent des apports atteignant la limite maximale d’apport. Aussi, si le risque semble pouvoir être écarté pour la population générale, il ne peut l’être pour cette catégorie de consommateurs[15].

le houblon a une action oestrogénique

Le houblon utilisé dans la fabrication de la bière possède une action oestrogénique perturbant l’équilibre hormonal masculin, perceptible chez les gros buveurs de bière, avec une gynécomastie[16] et une baisse de la libido.

Cuisson au barbecue

Les résultats montrent une diminution générale de plus de moitié de l’exposition alimentaire à des Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP) en 2011, par rapport à l’estimation de l’ANSES réalisée en 2003. Les résultats indiquent que le risque lié à l’exposition aux HAP est notamment lié à l’usage de la cuisson au barbecue. Certains HAP comme le benzo[a]pyrène, étant cancérogènes génotoxiques sans seuil, le risque même très faible ne peut être considéré comme nul[17]. Les HAP “présents dans la fumée de cigarettes, les marées noires, la viande grillée, les gaz d’échappement d’automobiles… sont de puissants toxiques provoquant des cancers, des altérations du système immunitaire, des risques cardiovasculaires, des diminutions de la fertilité chez l’homme et la femme, des malformations chez les nouveauxnés[18].

Fruits et légumes frais du marché local

Il revient aux consommateurs de choisir ses aliments selon des critères de sécurité alimentaire qui prennent en compte ces risques de contamination. Pour en savoir plus sur les moyens de vous protéger des perturbateurs endocriniens, consultez notre ouvrage: L’homme, une espèce et un genre à protéger.

Mangez frais et portez vous bien!

Dr Claire Condemine-Piron Présentation de l’auteur
Pour en savoir plus: L’homme, une espèce et un genre à protéger

[1] Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation de l’Environnement et du Travail

[2] 79/ ANSES, etude de l’alimentation totale française, tome 2, 2011: https://www.anses.fr/fr/system/files/PASER2006sa0361Ra2.pdf

[3] ANSES, etude de l’alimentation totale française, tome 2, 2011: https://www.anses.fr/fr/system/files/PASER2006sa0361Ra2.pdf

[4]Rapport au Parlement sur les perturbateurs endocriniens 2014 http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/144000689.pdf page35

[5]INERIS, substitution des bisphénols: https://substitution-bp.ineris.fr/fr/actualites/200-substances-structure-chimique-proche-bisphenol-seraient-susceptibles-se-trouver

[6] Santé Publique France, rapport sur l’exposition des femmes enceintes françaises aux polluants de l’environnement: http://www.santepubliquefrance.fr/Actualites/Exposition-des-femmes-enceintes-francaises-aux-polluants-de-l-environnement-Tome-1-les-polluants-organiques/Questions-Reponses

[7] Générations Futures, enquête muesli:https://www.generations-futures.fr/publications/exppert-7-pesticides-perturbateurs-endocriniens-mueslis/

[8] ANSES, évaluation de la contamination au bisphénol A des denrées alimentaires, 2017: https://www.anses.fr/fr/system/files/ERCA2015SA0256.pdf page 10

[9] ANSES: Valeurs Toxicologiques de Référence: https://www.anses.fr/fr/content/valeurs-toxicologiques-de-référence-vtr

[10] ANSES, etude de l’alimentation totale française, tome 2, 2011: https://www.anses.fr/fr/system/files/PASER2006sa0361Ra2.pdf

[11] ANSES, évaluation de la contamination au bisphénol A des denrées alimentaires, 2017: https://www.anses.fr/fr/system/files/ERCA2015SA0256.pdf p.10

[12] ANSES: etude nationale de surveillance de l’exposition alientaire aux substances chimiques, 2011: https://www.anses.fr/fr/system/files/PRES2011CPA20.pdf p.11

[13] ANSES: evaluation des risques du bisphénol A pour la santé humaine, tome 1, 2011: https://www.anses.fr/fr/system/files/CHIM2009sa0331Ra-0.pdf  p.5

[14] Rapport au Parlement sur les perturbateurs endocriniens 2014 http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/144000689.pdf  p.30

[15] ANSES, etude de l’alimentation totale française, tome 2, 2011: https://www.anses.fr/fr/system/files/PASER2006sa0361Ra2.pdf  p.15

[16] La gynecomastie correspond au développement de la glande mammaire chez l’homme

[17] ANSES, etude de l’alimentation totale française, tome 2, 2011: https://www.anses.fr/fr/system/files/PASER2006sa0361Ra2.pdf  p.19

[18] ANSES: avis relatif aux critètes de définition des perturbateurs endocriniens, 2016: https://www.anses.fr/fr/system/files/SUBCHIM2016SA0133.pdf  p.140