La lutte contre la fièvre est néfaste dans la phase précoce de Covid-19

La fièvre correspond à une élévation de la température corporelle au-dessus de 38°C, en l’absence d’activité physique intense et en dehors de la période ovulatoire.

Mal de tête chez une personne fiévreuse

C’est un symptôme fréquent des maladies infectieuses, qui correspond à une réaction normale de défense de l’organisme en réponse à l’agression virale ou bactérienne. En augmentant sa température interne, le corps augmente sa capacité de défense. C’est la réaction inflammatoire, médiée par les cytokines, qui modifie la température de référence au niveau de l’hypothalamus[1]. Ce mécanisme est naturellement contrôlé par les surrénales via le cortisol, ainsi que par les protéines de choc, afin de maintenir la température à un niveau inoffensif pour la survie de l’organisme[2]. Les cellules neutrophiles et les macrophages de l’organisme sont activés par une température comprise entre 38° et 40°, qui entraîne également l’inhibition de certains virus et bactéries, comme le virus de la grippe1.

La grippe, les rhinites et rhino-pharyngites, les otites, les angines, les sinusites, les maladies bronchopulmonaires, les infections urinaires, les gastro-entérites, etc, peuvent s’accompagner de fièvre, qui permet à l’organisme de les surmonter au plus vite.

Lézard vert

Ce mécanisme d’adaptation à l’infection existe depuis au moins 350 millions d’années[3], chez des espèces diverses comme les reptiliens ou les poissons, et malgré son coût métabolique, -en effet la fièvre augmente les dépenses énergétiques de l’organisme de 10%1-, présente un avantage considérable en termes de survie.

Il n’est donc pas nécessaire de lutter systématiquement contre la fièvre, qui participe au processus de guérison naturel de l’organisme. L’inconfort associé à la fièvre, s’il est bien toléré, devrait pouvoir être supporté, en raison de son utilité.

En revanche, une douleur intense, une somnolence ou une hypotonie associée à la fièvre, son apparition au décours d’un voyage à l’étranger, ou la persistance sans cause apparente de la fièvre au-delà de deux semaines, sont des signes qui appellent la consultation médicale, plutôt que la réduction du symptôme. En effet, une pyélonéphrite, une septicémie, une méningite, une pancréatite aigüe, certains cancers peuvent s’exprimer par une fièvre, intense ou modérée.

La fièvre ne doit pas être tolérée au-delà de 40°, car elle peut entraîner un risque de convulsions chez le jeune enfant, et de complications diverses chez l’adulte en fonction de la condition du patient.

La première mesure en cas de fièvre banale, est de dévêtir la personne, d’aérer la pièce, et de faire boire abondamment, pour éviter la déshydratation, qui aggrave la fièvre et l’état de la personne.

Lorsque la fièvre est mal tolérée et s’accompagne d’un inconfort important, il est possible de recourir à un médicament antipyrétique, mais cette décision doit être motivée, car la réduction de la fièvre par un médicament peut entraver la guérison de l’organisme vis-à-vis de l’infection.

Paracetamol, médicament générique

Le paracétamol, l’aspirine et l’ibuprofène sont les trois molécules les plus couramment utilisées. L’aspirine et l’ibuprofène sont également des anti-inflammatoires, et sur la fièvre, le paracétamol est généralement recommandé en première intention, notamment chez les enfants.

Or, l’utilisation du paracétamol pour réduire la fièvre, réduit également la réponse immunitaire de l’organisme, comme l’ont montré plusieurs publications scientifiques. Une étude de 2009 parue dans Lancet[4], mesurait le niveau de production d’anticorps par des enfants après l’administration d’un vaccin, selon qu’ils avaient reçu du paracetamol ou pas : le taux d’anticorps produits par les enfants sous paracetamol était significativement plus bas.

Une métanalyse parue en 2014[5] a confirmé sur plus de 5000 enfants la diminution de la réponse immunitaire aux vaccins chez les enfants ayant reçu du paracetamol afin de réduire la réaction fiévreuse suivant l’injection.

En l’absence d’études contrôlées chez l’homme, une méta-anlyse conduite sur l’animal confirme une augmentation du risque de mortalité de 34% en situation infectieuse, par l’adjonction d’un traitement anti-pyrétique, qu’il s’agisse de paracétamol, d’aspirine ou d’ibuprofène[6].

Des études ont montré une réduction de la production d’anticorps chez des personnes infectées traitées avec des anti-pyrétiques[7], et un allongement de la durée de l’infection. L’utilisation d’aspirine et de paracétamol a allongé la durée et aggravé les symptômes de rhinopharyngites virales7, augmenté la charge virale des personnes infectées, augmentant ainsi le risque de dissémination épidémique[8].

Homme enrhumé et fiévreux

Concernant la réaction de l’organisme à l’infection par le SARS-CoV-2, des infectiologues recommandent[9],[10] de ne pas intervenir sur la fièvre, chez les patients qui présentent une infection modérée, avec une fièvre ne dépassant pas 38°5, afin de ne pas amoindrir les mécanismes de défense de l’organisme à ce stade précoce.

L’utilisation d’ibufrofène, plus efficace que le paracetamol dans la réduction de la fièvre a été associé à l’aggravation des symptômes chez des personnes l’utilisant dans la première phase d’infection par SARS-CoV-2[11]. Il y a fort à craindre que le paracetamol lui-même altère la capacité de défense de l’organisme dans les premiers jours de l’infection par la Covid19, au risque d’une aggravation des symtômes et d’un passage vers une forme sévère.

Foule exposée à la dissémination virale

En conclusion, il est urgent que des études contrôlées apportent une réponse sur le risque associé à l’utilisation d’antipyrétiques, comme le paracétamol dans les formes non compliquées de Covid19, par allongement de la durée de l’infection et augmentation du risque de dissémination virale dans la population. En attendant, l’analyse de la littérature nous conduit à conseiller l’abstention dans l’utilisation de paracétamol dans la phase précoce de Covid19, en présence d’une fièvre modérée, inférieure à 38,5°.

Docteur Claire Condemine-Piron


[1] Young, P.J., Saxena, M. Fever management in intensive care patients with infections. Crit Care 18, 206 (2014). https://doi.org/10.1186/cc13773

[2] Rosenbloom, E, Finkelstein, Y, Adams-Webber, T, Kozer, E. Do antipyretics prevent the recurrence of febrile seizures in children? A systematic review of randomized controlled trials and meta-analysis. Eur J Paediatr Neurol 2013; 17: 585–588.

[3] Kluger M: The evolution of fever. In Fever: Its Biology, Evolution, anc Function. 1st edition. Edited by: Kluger M. Princeton University Press, New Jersey; 1979:106-127.

[4] Prymula R, Siegrist CA, Chlibek R, Zemlickova H, Vackova M, Smetana J, Lommel P, Kaliskova E, Borys D, Schuerman L. Effect of prophylactic paracetamol administration at time of vaccination on febrile reactions and antibody responses in children: two open-label, randomised controlled trials. Lancet. 2009 Oct 17;374(9698):1339-50. doi: 10.1016/S0140-6736(09)61208-3. PMID: 19837254. https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(09)61208-3/fulltext

[5] Das RR, Panigrahi I, Naik SS. The effect of prophylactic antipyretic administration on post-vaccination adverse reactions and antibody response in children: a systematic review. PLoS One. 2014 Sep 2;9(9):e106629. doi: 10.1371/journal.pone.0106629. PMID: 25180516; PMCID: PMC4152293. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25180516/

[6] Eyers S, Weatherall M, Shirtcliffe P, Perrin K, Beasley R: The effect on mortality of antipyretics in the treatment of influenza infection: systematic review and meta-analysis. J R Soc Med 2010, 103: 403-411. 10.1258/jrsm.2010.090441

[7] Graham NM, Burrell CJ, Douglas RM, Debelle P, Davies L: Adverse effects of aspirin, acetaminophen, and ibuprofen on immune function, viral shedding, and clinical status in rhinovirus-infected volunteers. J infect Dis 1990,162(1):277-1282. 10.1093/infdis/162.1.277

[8] Stanley, ED, Jackson, GG, Panusarn, C, Rubenis, M, Dirda, V. Increased virus shedding with aspirin treatment of rhinovirus infection. JAMA 1975; 231: 1248–1251.

[9] Galdiero M, Napoli C. COVID-19: Do not be phobic from fever. J Infect Public Health. 2020 Jul;13(7):938. doi: 10.1016/j.jiph.2020.06.003. Epub 2020 Jun 8. PMID: 32534947.

[10] Steiner AA. Should we let fever run its course in the early stages of COVID-19? J R Soc Med. 2020 Oct;113(10):407-409. doi: 10.1177/0141076820951544. Epub 2020 Sep 15. PMID: 32930066.

[11] Jamerson BD, Haryadi TH. The use of ibuprofen to treat fever in COVID-19: A possible indirect association with worse outcome? Med Hypotheses. 2020 May 25;144:109880. doi: 10.1016/j.mehy.2020.109880. Epub ahead of print. PMID: 32505846; PMCID: PMC7247463.